Sékou Nama Coulibaly : «La lutte contre le terrorisme ne se résume pas aux opérations militaires»
Dans cette interview, le coordonnateur du Collège sahélien de sécurité (CSS) explique les actions entreprises par sa structure dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Il revient également sur les retombées tirées par le Mali du travail du Collège, premier des quatre démembrements de l’axe Sécurité du G5 Sahel
L’Essor : Pouvez-vous, succinctement, présenter le Collège sahélien de sécurité ?
Sékou Nama Coulibaly : Le Collège sahélien de sécurité (CSS) a été créé en 2012 à Niamey au Niger. Il était alors composé du Mali, de la Mauritanie et du Niger. Après la création du G5 Sahel intervenue en 2014, le CSS a été « phagocytosé » par ce dernier lors du Sommet des chefs d’état tenu à Ndjamena en novembre 2015, avec son transfert sous la tutelle du Secrétariat permanent du G5 Sahel, synonyme de son élargissement aux deux autres membres que sont le Burkina Faso et le Tchad.
Le CSS est le premier des quatre démembrements de l’axe Sécurité du G5 Sahel. Les trois autres sont : la Plateforme de coopération en matière de sécurité (la PCMS), le Centre sahélien d’analyse des menaces et d’alerte précoce (Csamap), l’Académie régionale de police (ARP).
Le CSS est un centre régional de formation à l’échelle des cinq (05) pays du G5 Sahel, qui délivre des formations thématiques, des formations techniques, des séminaires et des exercices.
Le coordonnateur, selon le règlement portant organisation et fonctionnement du CSS, est un fonctionnaire malien issu soit du ministère de la Sécurité soit du ministère de la Justice. Il est désigné pour une période de deux ans renouvelable une fois.
L’Essor : Expliquez-nous les missions et le mode de fonctionnement du Collège sahélien de sécurité en tant que démembrement du G5 Sahel ?
Sékou Nama Coulibaly : Le CSS a deux missions phares. Il s’agit d’une part de consolider les compétences des cadres des divers services de sécurité, de la justice ainsi que des acteurs de la société civile des états du G5 Sahel ; d’autre part de renforcer les liens entre citoyens, services de sécurité, services judiciaires et état.
Il est supervisé par un conseil d’administration présidé par l’expert défense et sécurité du Secrétariat exécutif du G5 Sahel. C’est le conseil d’administration qui fixe la politique générale du CSS et approuve la programmation des activités. Il se tient deux fois au cours de l’année en session ordinaire.
L’Essor : Au regard de l’existence de plusieurs autres structures du G5 Sahel, où se trouve la plus-value de la création du CSS? Quelle est la nature de la collaboration entre le Collège et ces entités de l’organisation communautaire ?
Sékou Nama Coulibaly : Chaque démembrement ou entité est dédié(e) spécifiquement à une activité définie, avec une mission et des objectifs. Dans cette logique, il ne saurait y avoir d’embouteillage ou encore d’empiètement, mais plutôt une complémentarité.
En termes de collaboration, il est fréquent que le CSS accueille des formations au profit des autres démembrements. Il est souvent convié à participer à l’élaboration, l’amélioration ou la validation de documents conçus par ceux-ci.
L’Essor : La Région du Sahel est confrontée au terrorisme et à la criminalité organisée. Le Collège-a-t-il pris des initiatives ou mené des actions pour juguler ces fléaux ?
Sékou Nama Coulibaly : La lutte contre le terrorisme et la criminalité revêt des formes autres que les opérations militaires. Le CSS se donne cette vocation de renforcer les capacités des acteurs étatiques et de la société civile à lutter contre toutes les formes de menaces qui pèsent sur la région. Ainsi, les formations thématiques et les séminaires au niveau du CSS visent à faire souvent une certaine promotion de la culture de la paix, à éveiller et sensibiliser les esprits sur tel ou tel phénomène en lien avec la sécurité des populations du Sahel.
L’Essor : De manière concrète, quelles sont les dividendes tirés par notre pays du travail effectué par le CSS ?
Sékou Nama Coulibaly : Les dividendes ne sont pas forcément pécuniaires. Le fait d’abriter le siège d’une organisation, fut-elle un démembrement, est une carte ou un atout diplomatique à utiliser pour le rayonnement du pays hôte. Le CSS connaît un déficit de portage institutionnel au niveau national. Pour l’anecdote, un ministre des Affaires étrangères, c’est-à-dire la tutelle du G5 Sahel au Mali, à l’entame d’une audience me demanda «…et à Nouakchott, ça va là-bas ? ». Du coup, il ignorait que le CSS est un démembrement du G5 Sahel qui a son siège à Bamako, à la demande du Mali.
À mon avis, c’est un prestige que notre pays doit tirer du fait d’abriter le CSS. Et le prestige est inestimable.
L’Essor : Sous quel prisme se dessinent les perspectives pour le Collège sahélien de sécurité ?
Sékou Nama Coulibaly : Elles doivent être envisagées sous l’angle d’une appropriation à travers une autonomisation financière du CSS. En effet, afin qu’il soit pérenne et ne pas dépendre entièrement des partenaires, comme c’est le cas, il faut que les états acceptent et s’engagent à supporter financièrement les coûts des activités du CSS.
Comme vision, nous ambitionnons de faire du CSS une sorte de Polytechnique sur les questions de sécurité au Sahel. Ceci nous a conduits à signer en février 2020 une convention avec l’USJP de Bamako pour la co-délivrance d’un Master paix et sécurité à l’intention de différents professionnels, mais aussi des universitaires intéressés et tentés par les questions de sécurité. Cette initiative sera dupliquée avec une université dans chacun des quatre autres pays du G5 Sahel, avec l’accompagnement nécessaire du Secrétariat exécutif.
Je termine par des remerciements au quotidien national pour sa part de promotion du CSS à travers cet entretien.