Bamako dans une crise diplomatique latente : Le PM et le risque d’isolement du Mali
Pour l’une des rares fois de son histoire diplomatique, le Mali, en face de ses voisins et de ses nombreux partenaires, est en passe de faire l’unanimité sur lui, menacé qu’il est d’un isolement, au cœur d’un projet sécuritaire, au sujet duquel on lui rétorque qu’il n’a pas concerté les autres. Une menace d’isolement diplomatique que tente de minimiser les autorités de Bamako, dont le Premier ministre Choguel K. Maïga, qui n’en est pas le moindre instigateur.
Décidément, diplomatiquement parlant, ça ne va pas fort entre le Mali et plusieurs de ses voisins et partenaires internationaux. Au cœur de la polémique : le recours à des mercenaires d’une société privée militaire russe avec en toile de fond des accusations tonitruantes du Premier ministre Choguel K. Maïga à l’encontre de la France à la tribune des Nations Unies, loin des convenances diplomatiques des relations bilatérales entre partenaires respectueux.
Si, depuis son retour de New-York, sur les réseaux sociaux, des lauriers lui sont régulièrement tissés pour avoir haussé le ton en face d’un partenaire, la France, savamment et méthodiquement téléguidés par des coteries partisanes, mises à contribution, sur fond dithyrambique, Choguel K. Maïga est bien au cœur d’une controverse, sachant pertinemment bien que la diplomatie n’est pas un spectacle, car obéissant en tout à des règles tangibles et que, de ce fait, le glissement vers l’escalade des tensions est très facile, suite à l’inobservation de ces règles immuables.
En fait, tout est lié aux bruits, non jamais démentis, mais non vraiment assumés par Bamako, liés au recours par les autorités de la transition à la société Wagner, un groupe privé militaire russe. Pour tenter de justifier cela, encore que déjà le gouvernement n’ait pas la bonne posture, hormis les soutiens dithyrambiques des partisans, d’autant que la primeur d’une telle annonce importante se fait à l’intérieur (respect des citoyens oblige), le Premier ministre Choguel K. Maïga, sur la tribune des Nations Unies, à New-York, parlait de plan « B », en portant des accusations sur la France, accusée, par lui, d’avoir « abandonné son pays en plein vol ».
La riposte française, également disproportionnée qu’elle était, a ouvert la voie à une vive polémique d’autant que les autorités françaises, aussi bien les responsables du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères que le président Macron lui-même, ont tenu à révéler, des termes diplomatiques acerbes et non convenus, l’inexactitude des faits dans les propos du Premier ministre malien.
Quoiqu’il en soit, cette polémique diplomatique entre Bamako et Paris, qui n’avait pas justement lieu d’être, ne va pas occulter les tirs croisés diplomatiques dont Bamako est de plus en plus l’objet de la part de ses grands voisins et même des membres du G5 Sahel au sujet du recours à cette société privée militaire russe, ayant recours aux mercenaires pour lutter contre le terrorisme.
Là également, pour justifier ce choix sécuritaire stratégique, le Premier ministre Choguel K. Maïga, toujours à la tribune des Nations Unies, évoque, lui, la souveraineté du pays de pouvoir contracter avec le partenaire qu’il souhaite, dans le domaine d’activités diplomatiques qui lui chante.
Mais, en le faisant, notre Premier ministre ne savait pas qu’il ouvrait ainsi, dans son propre voisinage, loin des sirènes encensoirs de ses partisans zélés, des tirs croisés diplomatiques tous azimuts. L’un et l’autre, de lointains aux plus proches, les pays, via les ministères des Affaires étrangères si ce ne sont pas les dirigeants d’Etats eux-mêmes, ont pris la parole, le plus officieusement du monde, pour dénoncer ce qu’ils ont appelé le manque de concertation de Bamako sur ce sujet sécuritaire, brûlant et complexe.
En somme, il a été reproché à Bamako d’avoir agi en solo, dans un choix unilatéral, s’agissant de sa volonté de contacter avec la société Wagner pour lutter contre le terrorisme. Là, ce n’est pas la France, encore moins son président, qui enfonce le clou. Ce sont les partenaires africains du Mali ; au compte du G5, comme le Niger ou la Mauritanie, et au nom du voisinage, à l’image du Sénégal ou la Côte d’Ivoire, qui se plaignent de notre absence de concertation sur un sujet aussi sensible et comme complexe, comme le terrorisme, qui intéresse tout le monde.
Les présidents ivoirien, mauritanien et nigérien, on le sait, ont tour à tour dénoncé cette option des autorités de la transition d’avoir voulu recourir au service des mercenaires d’une société privée militaire pour lutter contre les djihadistes, sans se référer aux autres. La ministre des Affaires étrangères du Sénégal, un pays qui a le plus grand contingent du proche voisinage au Mali, a dit, pour sa part, que ce n’est pas la souveraineté du pays de négocier avec le partenaire qu’il souhaite qui est en cause, mais le fait, pour Bamako, de décider unilatéralement d’un choix qui a des répercussions sur tous les autres.
La dénonciation aux conséquences dramatiques est venue de N’Djamena, ayant la plus grande représentation militaire africaine et du G5 au Mali, du côté du président de la transition du Tchad, qui a officiellement déclaré, dans son pays, que les insurgés, venus de la Libye, qui ont conduit les assauts ayant provoqué la mort du président Deby, ont été encadrés et formés par les mercenaires de la société Wagner.
Une accusation gravissime qui n’est pas sans rapport avec la polémique diplomatique qui se joue entre Bamako et plusieurs capitales africaines, en dehors des coups de sang diplomatiques retentissants avec Paris et qui n’ont pas encore fini de nous révéler tous leurs dessous sombres.
Comme pour dire au Premier ministre Choguel K. Maïga que la diplomatie n’est pas un spectacle ; instrument de promotion carriériste.